Le bridge pratique meilleur que le bridge parfait

Le bridge est souvent scientifique par essence. Mais il est aussi un jeu. Et il existe de nombreuses situations non scientifiques lorsqu’on se trouve à la table en situation réelle. Parfois, il s’agit de jugement (aussi appelé décision, domaine dans lequel vous êtes aidé par votre expérience). D’autres fois, il s’agit de tactiques d’enchères.  

Les décisions tactiques constituent une partie importante et amusante du jeu mais souvent négligée. L’un des éléments clés des enchères tactiques est de savoir quand partager des informations et quand les dissimuler. Une façon courante de partager des informations est d’effectuer des enchères qui décrivent le plus en détail notre main. Nous espérons que ces informations aideront le partenaire et lui permettront de prendre de meilleures décisions au cours des enchères. Mais les informations que nous partageons peuvent également aider les adversaires à mieux défendre. Les joueurs expérimentés savent quand partager les informations (lorsqu’elles sont plus susceptibles d’aider le partenaire) et quand les dissimuler (lorsqu’elles sont plus susceptibles d’aider les adversaires).

Un exemple classique est de ne pas recourir au Stayman (ou au Puppet Stayman) avec une main très plate.

Faire un Stayman avec la main de Sud est "normal", mais lorsque notre camp détient 13H + 15-17H, soit entre 28 et 30 points, l’enchère de 3SA est une option tout à fait raisonnable.

Ici, le choix de la confidentialité peut éviter de donner à l’adversaire les informations nécessaires pour sélectionner la meilleure entame. C’est un exemple d’enchère pratique (faire quelque chose de raisonnable qui sera généralement correct) par opposition à une enchère scientifique (utiliser des outils afin d’obtenir toutes les informations possibles en vue de prendre une décision en toute connaissance de cause).

Un autre exemple classique de cas où nous devons choisir entre esprit pratique ou scientifique se rencontre lorsqu’on effectue une enchère d’essai.

Imaginez que vous déteniez la main suivante :

Vous ouvrez de 1♠ et votre partenaire vous soutient à 2♠. Une option est de faire une enchère d’essai à 3 ‒ découvrant si votre partenaire détient une courte ou un honneur à Carreau. Si c’est le cas, la manche sera de bonne facture. Mais elle pourra l’être aussi quand le partenaire possède beaucoup d’autres mains différentes. C’est pourquoi il est préférable avec un tel jeu de sauter à la manche et de voir ce qui se passe ensuite. Les informations que vous partagez en faisant une enchère d’essai sont davantage susceptibles d’aider les adversaires à bien défendre que de nous aider à prendre une bonne décision à l’enchère. Il est meilleur de choisir l’enchère pratique de 4♠ !

Une autre chose à prendre en compte est que le bridge peut s’avérer un jeu épuisant. Je sais, jouer aux cartes ne semble pas être une chose éreintante, mais demeurer dans un état de grande concentration pendant des périodes extrêmement longues peut être mentalement éprouvant. Il existe beaucoup d’autres raisons pour lesquelles nous pouvons être fatigués lorsque nous jouons au bridge et il importe de savoir comment nous nous sentons à la table. Nous devons savoir si nous pratiquons notre meilleur jeu, si nous jouons bien ou si au contraire nous luttons pour surnager. Une bonne raison de choisir une enchère pratique plutôt que scientifiquement parfaite est sa simplicité, gage d’un bon rendement, même lorsqu’on ne joue pas au mieux.  

Lorsqu’ils jouent au bridge en étant fatigués, la plupart des gens ont tendance à essayer de faire des enchères parfaites et produisent des efforts supplémentaires pour y parvenir. Cela conduit souvent à des séquences plus complexes et à des décisions plus difficiles. Là encore, ce n’est pas une façon de gagner au bridge lorsque vous n’êtes pas au mieux de votre forme. Lorsque vous êtes fatigué, conservez votre énergie pour les choses importantes et privilégiez les enchères pratiques car votre jugement peut être légèrement faussé et vous avez alors tout intérêt à vous épargner autant que faire se peut des décisions délicates.

En résumé, nous aimons tous les gadgets (conventions) et le bridge scientifique, mais pour gagner à la table, il faut souvent savoir rester simple et avoir l’esprit pratique !

À propos de l’auteur

Robert est un joueur professionnel et un enseignant qui exerce son métier partout en Amérique du Nord (et même dans le monde entier). Il est le fondateur de Adventures in Bridge et il organise des tournois à distance ou en présentiel presque toutes les semaines de l’année ! Robert est également le président de la Fondation éducative de l’ACBL où il œuvre à la construction d’une institution qui veillera à la bonne santé du bridge sur le long terme.

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