Cliquez ici pour retrouver l'ensemble des "À qui la faute ?"
La paire Nord-Sud a déclaré un très mauvais contrat. Comme souvent, chacun des deux joueurs pense que son partenaire est responsable de l’accident. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Cette série est consacrée au thème : Développements après un contre Spoutnik dans la séquence :
Le constat
L’entame à Trèfle offre une levée mais le compteur reste bloqué à sept levées, alors que réaliser dix levées à l’atout Pique devient une promenade de santé avec les atouts 3-2. Qui a oublié le soutien à Pique ?
Les arguments
Nord : «Le cue-bid à 3♣ me demande si j’ai un arrêt à Trèfle. Tu dois en priorité me dire que tu as quatre cartes à Pique en disant 2♠ sur 2♥. Comme tu n’as pas nommé ta couleur sur 2♣, je comprends que tu n’as que quatre cartes.»
Sud : «Pourquoi veux-tu que je nomme mes Piques ? Avec quatre cartes à Cœur et quatre cartes à Pique tu dois répondre 2♠ pour ensuite nommer tes Cœurs à l’économie. Je sais que 3♣ demande un arrêt à Trèfle, mais quand tu n’as pas quatre cartes à Pique, 3 Sans-Atout est la seule manche à retrouver.»
Le verdict
Nos deux amis sont en quatrième année de bridge, ils découvrent avec difficulté une des séquences les plus difficiles dans leur apprentissage du Spoutnik. Leurs arguments, entre désuets et hors propos, vont nous permettre de débroussailler le sujet.
Au bout du compte, si les arguments de Nord et de Sud sont tous faux, il n’y a eu qu’une erreur dans la séquence, quand Nord a répondu 3SA sur 3♣ au lieu de répondre 3♠.
L'enchère responsable de l'accident
3SA sur 3♣. Nord est coupable à 100%. Sud, sans le savoir, n’a fait aucune erreur d’enchère !
La bonne séquence :
Le constat
Grave accident. Nos jeunes gens s’arrêtent à un contrat partiel, avec un grand chelem honorable sur la chute de la Dame d’atout à neuf cartes, à 52,5% donc, et un petit chelem sur table. Pourtant, nous avons cette fois deux joueurs confirmés, qui ont bien démarré la séquence, jusqu’à une panne de courant inattendue. Qui est le coupable ?
Les arguments
Nord : «Je n’ai pas pensé une seconde que tu pouvais passer sur 4♦ après avoir sauté à 3♥ sur mon contre. Je sais que tu vas me dire que je dois dire 4♣ mais peut-être ce cue-bid affirme-t-il l’atout Cœur. Dans le doute, tu peux au moins nommer la manche.»
Sud : «Je n’avais pas de doute. J’ai déjà forcé mon talent en sautant à 3♥ avec le minimum pour justifier ce saut. Quand tu réponds 4♦, il est temps de s’arrêter là. Oui, bien sûr que tu dois dire 4♣ pour montrer un soutien forcing à Carreau.»
Le verdict
Je ne serais pas étonné que plusieurs d’entre vous pensent comme Sud que 4♦ est non forcing, une préférence avec quatre cartes à Pique et quatre cartes à Carreau et 8-10H. Pourtant, une phrase dans les arguments de Sud contredit cette analyse. Sud dit : «Je suis minimum de mon enchère de 3♥», ce qui sous-entend que ce saut commence à 15H sans limite supérieure. Ce qui a une conséquence évidente. Ce saut est forcing de manche ! C’est d’autant plus logique que le saut à 3♥ exprime nécessairement une distribution irrégulière, sur fond de cinq cartes à Carreau et quatre cartes à Cœur (idem pour le saut à 3♠ avec cinq Carreaux et quatre Piques). Le répondant, s’il est minimum, a soit quatre cartes à Cœur soit quatre cartes à Carreau, et nomme la manche à 4♥ ou à 5♦. 4♦ est bien un soutien forcing, montrant des ambitions de chelem.
L'enchère responsable de l'accident
Le passe de Sud sur 4♦. Sud est coupable à 90%. Nord aurait pu anticiper l’accident et répondre 4♣.
La bonne séquence :
Le constat
Un accident plus difficile à éviter. Il faut découvrir l’absence de tenue à Trèfle dans la ligne et trouver le contrat de 5 Carreaux.
Les arguments
Nord : «Je suis pris de court sur ton enchère de 3♠. 3 Sans-Atout peut être le dernier contrat à jouer si tu as l’arrêt àTrèfle et je ne vois pas comment te poser la question.»
Sud : «Tu as bien raison et je n’ai pas de solution à ce problème. Disons qu’il est plus probable que je sois dans la zone 8-10H quand tu as 19H et que, dans ce cas, j’aurai souvent quatre cartes à Carreau. Donc, quitte à faire un pari peut-être que dire 4♦ sur 3♠ sera plus souvent la bonne décision.»
Le verdict
Bon, c’est clair, en l’état de leur système il n’y a pas de solution parfaite et l’argument de Sud, priorité au contrat de 5 Carreaux, se défend. Revenons un peu sur cette enchère de 3♣ qui n’a posé aucun problème à nos deux champions en herbe. Elle exprime soit une distribution régulière soit un unicolore à Carreau trop fort pour se contenter de sauter à 3♦, à la recherche d’un arrêt à Trèfle dans le cas d’une distribution régulière. Ce cue-bid dénie les deux majeures quatrièmes, jeu avec lequel l’ouvreur saute à 4♥ sur le contre : ♠AD87 ♥RD62 ♦AR6 ♣102.
Il s’emploie donc soit sans majeure quatrième et sans tenue, soit avec une majeure quatrième avec ou sans tenue. Sans majeure quatrième avec une tenue, l’ouvreur saute évidemment à 3SA.
Le camp a donc deux problèmes à résoudre : retrouver soit le fit 4-4 en majeure, soit l’arrêt à Trèfle. Voici la solution super technique et un peu compliquée.
Sur 3♣, le répondant nomme sa majeure uniquement quand il a un arrêt à Trèfle et répond 3♦ sans tenue à Trèfle. Avec les deux majeures quatrièmes et une tenue à Trèfle, il répond 3SA.
Sur la réponse de 3♦ :
L'enchère responsable de l'accident
L’enchère de 3♠ sur 3♣. Sud est responsable à 40%, il ne peut pas inventer une enchère qu’il ne connaît pas. Nord est responsable à 60%, il aurait été plus inspiré de répondre 4♦ plutôt que 3SA sur 3♠.
La bonne séquence :
Cliquez ici pour retrouver l'ensemble des "À qui la faute ?"
Cet article a été écrit par Alain Lévy et a été initialement publié par Bridgerama+