Paris, 1960… Quand on a 13 ans on a plus envie de taper dans un ballon de foot ou de jouer aux cartes que d’aller se cultiver aux « Matinées du Louvre » ! Je retrouvais donc, avec plaisir, ma grand-mère, les jeudis après-midi, pour des parties de « mariage » et « d’écarté ».
Ayant lu une chronique mystérieuse de José le Dentu intitulée « Bridge », je demandais un jour : « Mémé tu pourrais pas m’apprendre à jouer au Bridge ?» Déception : ma grand-mère, pourtant femme de chambre chez un baron toute sa vie, ne connaissait pas ce jeu ! Mais mon souhait s’ébruita…
C’est avec ravissement que je reçus, pour le Noël suivant, le livre « Notre méthode de Bridge » de Pierre Albarran.
Le plus difficile commençait car, à la maison, on ne jouait qu’à la belote. Apprendre ce nouveau jeu à mes parents et à mon jeune frère était une tâche plutôt ardue. Je passais des heures sur ce livre à faire des fiches et il fut enfin possible de commencer à faire quelques parties.
L’année suivante, la tante qui m’avait offert le livre et qui était une excellente joueuse, réalisa mon deuxième rêve en me proposant de faire avec elle une partie surveillée didactique sous la direction de Gérard le Royer dans le Club du Bridgeur à Paris. Sans doute un peu inconscient je n’étais qu’à peine intimidé par ce milieu huppé parisien et, de façon inattendue, ce fut mon jour de gloire !
Vous avez AR7653 en face de D109 et comme on vous a imposé de gagner un grand chelem il ne faut perdre aucune levée. Coup de chance ? J’ai joué l’as en premier le seul jeu permettant de capturer un Valet 4e n’importe où !
« Phishing » ! J’étais mordu. J’eus droit à de nombreuses félicitations, sans doute peu méritées, car je n’avais pas vu grand-chose de la situation !
À partir de là toutes les occasions me furent bonnes pour pratiquer ce jeu. Je commençais en outre à collectionner les livres et les revues et, bien sûr, je ne ratais pas la chronique bridge du journal où j’eus même droit à être nommé pour mes bonnes réponses : j’avais bossé !
À la fac d’Orsay, j’eus vite fait de trouver des partenaires : nous faisions des parties entre 2 cours, à la cafétéria ou durant le trajet en train vers Paris.
Quelques années plus tard, ce fut le départ pour la Tunisie en tant que professeur coopérant. Malheureusement, les joueurs étaient rares ! J’en profitais pour partager ma passion avec ma jeune épouse. Que d’heures passées à travailler sur de nouveaux systèmes et, surtout, de nouvelles conventions… J’étais abonné à des revues françaises mais aussi anglaises et américaines. Bref, je parlais couramment le « bridge anglais » !
« Grand festival de Bridge à Djerba » quand j’aperçus ce titre barrant la couverture du dernier numéro du « Bridgeur » mon cœur s’emballa ! Coup de chance, l’événement était programmé pendant un période de vacances. Les négociations avec mon épouse furent très compliquées car il fallait gérer notre tout jeune fils. Heureusement, un collègue, résidant à Houmt Souk, la ville principale de Djerba, acceptait de prendre en charge notre fils durant la durée des tournois.
Et nous voilà donc, cartes en mains, pour notre grande première dans un festival international très renommé avec de nombreux champions français et étrangers.
On eut vite fait de se mettre dans l’ambiance puisque la première paire rencontrée était déjà, à l’époque, deux internationaux français : Perron et Mari. Au programme : duplication des donnes, ce qui consistait à mettre les cartes dans l’ordre. Nos 2 lascars étaient à tous égards des pros. En moins de quelques dizaines de secondes, ils reproduisirent, cartes retournées donc cachées les 2 diagrammes ! Impressionnant ! Ça commençait bien… pour eux ?
Après transfert des étuis on joua les deux premières donnes sans anicroche. «Transférez-changez » ! Le ballet des changements de table se poursuivit et on arriva assez vite à la table des deux grands champions du Blue Team italien : Belladonna / Avarelli.
L’accueil fut des plus chaleureux. Au milieu d’un nuage de fumée, les deux vedettes, enfoncées dans leur fauteuil, tiraient sur leurs cigares… Après mon ouverture nos adversaires arrivèrent assez rapidement au contrat de 2P. L’affaire ne semblait pas leur être très favorable. Quand arriva -1, je tremblais de joie : on avait fait chuter les champions… A -2 : ils étaient vulnérables, ça faisait 200 dans notre colonne, le pied !… A -3… ça devenait presque inquiétant… pour nous ! Ce qui fut confirmé en ouvrant la feuille ambulante : 3SA= chez nous était le score presque unanime ! 600 ! Un quasi 0 ! On avait encore du travail à faire pour rivaliser avec des champions !
On arriva un peu plus tard à la table d’un autre membre du Blue Team italien Pabis Ticci qui jouait avec une Signora couverte de bagues et d’un âge certain ! Autant nos adversaires transalpins précédents était tout en rondeur et sympathiques autant P-T était sec et hautain ! Pas question de rigoler !
Il ouvrit de 1SA et sa partenaire, après une longue hésitation, passa ! Il haussa à peine les épaules à la vue du mort et exécuta un récital en empilant les levées… Résultat : +5 ! Avec un fort accent italien il tonitrua « Directorrr ! jé né sé pas combien ça fé 1SA+5 » en transperçant du regard sa partenaire qui avait étalé 10 beaux points honneur. Elle balbutia « Vous ne jouez pas Acol avec le SA faible ! » Toutes les paires avaient, bien sûr, gagné 3SA, mais le contrat avait été annoncé et rarement gagné avec autant de « sur levées » ! Un joli « Top »… à l’envers !
« Sautez une table ! » Misère !… C’était la table de… Henri Salvador. Le chanteur comique était là pour animer un stage de pétanque et faisait ses grands débuts au bridge. Tous les joueurs avaient quitté sa table avec ravissement après avoir reçu de jolis tops et des éclats de rire tonitruants qui enchantaient l’entourage. On arriva à une nouvelle table où là, on rigolait moins… Tout autour, des dizaines de personnes étaient là, comme au spectacle. Impressionnant ! A la fin de la donne, la vedette qui venait de réaliser un banal contrat de 1SA s’adressa à mon épouse devant une salle médusée : « Madame vous avez rejoué la seule carte qui pouvait me faire chuter ! » Ce n’était pas la peine qu’il se tourne vers moi. Transi de trac, je n’avais pas été à la hauteur dans la suite du coup ! Et dire que j’avais tout appris à mon épouse et qu’elle n’avait jamais ouvert un livre de Bridge ! Honte à moi !
En quittant la table elle me demanda ingénument qui était ce « gros » bridgeur qui lui avait fait ce compliment. Interloqué je répondis « Paul Chemla », vedette incontestée du bridge national et international !
J’eus du mal à recouvrer mes esprits mais le tournoi se termina sans accroc. Alors qu’on se désaltérerait au bar, nos deux champions de la table 1 nous interpellèrent : « Bravo ! » Il me mirent sous le nez leur feuille de prévisions : des 8 et 9 sur 10 quasiment partout mais 2 et 3 à notre première table ! Confirmation fut faite avec les résultats finaux : nous nous en sortions avec une bonne moyenne et un classement dans le premier quart. On peut boire du Champagne au Club Med ?
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Très mauvaise traduction en français.
Article illisible.