
Cet article a été écrit par Alain Lévy et a été initialement publié par Bridgerama+. Vous pouvez retrouver Bridgerama+, toutes ses archives et bien plus d'avantages sur BBO+.
La paire Nord-Sud a déclaré un très mauvais contrat. Comme souvent, chacun des deux joueurs pense que son partenaire est responsable de l’accident. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Cette série est consacrée au thème : La défense contre les interventions bicolores.
Le constat
Il n’est pas toujours facile d’enchérir une manche mineure plutôt que le contrat de 3 Sans-Atout avec deux distributions régulières, sauf avec une absence commune de tenue dans une couleur cinquième annoncée ou suggérée par l’adversaire.
Les arguments
Nord : «J’ai compris que tu tenais les Cœurs, je tiens les Piques, je dis 2SA.»
Sud : «Tu as raison, sauf qu’on a changé notre système récemment. Je ne peux plus annoncer 3♣, qui serait non forcing. Je choisis donc un cue-bid à 2♥, sans préciser les tenues. Je pense que tu dois dire 2♠ : je tiens les Piques.»
Le verdict
Les nouvelles conventions essayent d’améliorer le système d’enchères mais demandent un réel effort de compréhension et de mémorisation. Ces modifications sont très coûteuses quand les deux partenaires ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Nord est resté fidèle à l’ancien système, qui somme toute était très naturel et donnait d’excellents résultats. Vous vous en souvenez sûrement ou vous le jouez encore. En voici un rapide résumé. Après l’expression d’un bicolore majeur, 1♣-2♦ ou 1♦-2♦, 2♥ montre une tenue à Cœur et 2♠ une tenue à Pique (comme l’ancien système après une intervention par 2♣ Landy sur l’ouverture de 1SA). Ajoutez à cela que les enchères de 3♣ après l’ouverture 1♦ et de 3♦ après l’ouverture de 1♣, les changements de couleur donc, sont forcing de manche et le tour est joué. En réalité, c’est cette deuxième assertion qui est mise en cause aujourd’hui et qui a engendré un nouveau système. La quatrième couleur va souvent être la couleur où le camp de l’ouvreur peut trouver un fit et il est indispensable de l’enchérir rapidement pour faire face à une situation d’enchères compétitives, presque automatique dès que l’adversaire a découvert un fit majeur huitième.
D’où cette nouvelle règle, que je vous conseille d’adopter. La nomination de la quatrième couleur au palier de 3 est une enchère naturelle et non forcing, qui promet cinq ou six cartes dans une zone autour de 7 à 10H. Vous serez en bonne position pour vous battre si vous dites 3♣ avec :
Il faut maintenant résoudre le cas où vous avez du Trèfle et 11+H. Et c’est là que la convention vient à votre secours. Le cue-bid à 2♥ exprime les Trèfles en situation forcing de manche, le cue-bid à 2♠ exprime les Carreaux en situation forcing de manche. Pour mémoriser, retenez qu’en toute logique le cue-bid le plus économique montre la couleur la moins chère en situation forcing(*).
Ici, Sud a fait la bonne enchère sans le savoir. 2♥ n’est pas juste un cue-bid forcing de manche sans précision, c’est l’enchère qui exprime une longueur à Trèfle en situation forcing. Dans ces conditions, l’enchère de 2SA sur 2♥ montre des tenues dans les deux majeures.
L’enchère responsable de l’accident
L’enchère de 2SA. Je n’ai pas le cœur d’accabler d’une quelconque responsabilité l’un des deux joueurs. Ils doivent juste travailler ensemble leur système d’enchères et ses évolutions.
La bonne séquence
(*) N.D.L.R. C’est son système que notre chroniqueur vous expose ici. Dans le SEF 2024, le cue-bid le plus économique indique un fit fort pour la couleur d’ouverture. Le cue-bid le plus cher sert à annoncer la quatrième couleur et du jeu. Jouant le SEF, c’est 2♠ que Sud aurait dû annoncer.
Le constat
Waouh ! Laisser jouer (et gagner) le contrat de 3 Piques avec une manche ou même un chelem dans son camp n’est pas courant. Qui est le coupable de cet accident ?
Les arguments
Nord : «Ton contre situe notre camp en attaque, le passe est forcing, le contre punitif. Tu n’as pas le droit de passer en dernier.»
Sud : «Je ne suis pas d’accord avec toi. Je dois contrer à partir de 9H et il faut un minimum de 11H pour situer notre camp en attaque. Je pense que tu dois parler librement sur 3♠, par exemple dire 4♦. J’estime n’avoir plus rien à dire.»
Le verdict
Décidément, cette défense contre les bicolores mérite des éclaircissements. Cette fois, Sud a entièrement raison. Le contre montre un minimum de 9H, il ne situe pas son camp en attaque et il n’est pas autoforcing (exactement comme le contre de l’intervention par 1SA). Il est clair qu’avec son jeu Sud ne peut pas obliger son camp à jouer au palier de 4 en face d’une main qui n’a rien promis de plus que l’ouverture. Il faut se retourner vers les arguments de Nord. Si le passe est forcing et le contre punitif, que faire avec un jeu faible et pas la trace d’un contre punitif ? La réponse est évidente, passer ! Que faire pour montrer une ouverture forte ? Contrer. C’est un contre informatif qui signale que le camp est en attaque, comptez un strict minimum de 14H.
L’enchère responsable de l’accident
Le passe de Nord sur 3♠. Nord est responsable à 100%.
La bonne séquence
Le chelem est de bonne qualité mais très difficile à enchérir. Il faudrait une enchère plus que dynamique et très technique de Sud pour l’envisager, 4SA sur 4♠, concentration d’honneurs dans le bicolore sans contrôle extérieur.
Le constat
Les séquences se suivent et se ressemblent. Un petit +50 à une de chute à 4 Trèfles avec, cette fois-ci, un chelem sans impasse.
Les arguments
Nord : «Je ne peux pas contrer avec ce jeu régulier de 8H et nommer des Piques aussi creux, même en situation non forcing, me semble vraiment dangereux, surtout dans ce tableau de vulnérabilités. En revanche, je trouve que tu as un très beau jeu pour passer sur 4♣.»
Sud : «J’espère faire chuter 4 Trèfles et je n’ai aucune certitude de gagner un contrat au palier de 4. On vient d’apprendre dans notre dernier cours que l’enchère de 3♠ était non forcing dans cette séquence, je trouve qu’elle correspond parfaitement à tes cartes.»
Le verdict
Ce troisième problème complète les deux précédents et, à la lecture des exposés précédents et des arguments de Nord et de Sud, vous pouvez avoir votre propre idée du partage des torts. Considérez le jeu de Nord. Oui, il est minimum pour dire 3♠, oui sa couleur est creuse, mais c’est le moment où jamais de profiter du caractère non forcing de l’enchère et de nommer sa couleur. Notez que la localisation de ses honneurs est idéale. Pensez, pour vous fixer les idées, que l’enchère de 3♠ est très voisine d’une ouverture de 2♠ faible en situation vulnérable. Auriez-vous osé contrer 4♣ avec les cartes de Sud ? Oui, c’est même recommandé. Je ne dis pas que c’est sans danger, mais toutes les enchères à haut palier sont dangereuses. La vulnérabilité vous incite-t-elle à la prudence ? Non. C’est même le contraire : c’est dans ce tableau de vulnérabilités que vous avez le plus à gagner. Imaginez le même jeu de Nord avec six cartes à Pique sans la Dame, vous faites encore 6 Piques. Descendez plus bas, cinq cartes à Pique sans la Dame, vous avez un excellent contrat de 4 Piques à jouer. Et enfin, sans viser aussi haut, pourquoi ne pas retrouver le contrat de 4 Carreaux et scorer +130 au lieu de -130, un écart qui peut vous faire gagner le match.
L'enchère responsable de l'accident
Le passe de Nord sur 2SA. Nord doit dire 3♠ et Sud doit contrer 4♣ : les responsabilités sont partagées 50-50.
La bonne séquence
D’accord, c’est une séquence à jeux ouverts. Si vous avez déclaré 4 Piques, c’est déjà bien. Mais la séquence que je vous propose est tout à fait envisageable.
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Cet article a été écrit par Alain Lévy et a été initialement publié par Bridgerama+. Vous pouvez retrouver Bridgerama+, toutes ses archives et bien plus d'avantages sur BBO+.