Cet article a été écrit par Alain Lévy et a été initialement publié par Bridgerama+. Cliquez ici pour vous abonner à Bridgerama+.
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La paire Nord-Sud a déclaré un très mauvais contrat. Comme souvent, chacun des deux joueurs pense que son partenaire est responsable de l’accident. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Cette série est consacrée au thème : Les enchères "impossibles"
Le constat
Une excellente manche à 5 Carreaux a été oubliée dans les deux salles, les adversaires de nos deux amis s’étant contentés d’une enchère de soutien à 3♦. Écoutons les arguments de nos candidats qui étaient plus proches de décrocher la timbale.
Les arguments
Nord : «J’ai bien compris que ton enchère de 2♠ n’était pas naturelle mais je l’ai interprétée comme l’annonce d’une force à Pique et d’un soutien à Carreau. Je n’ai que 12H et tes points à Pique tombent en face du singleton. Dans ces conditions, il faut un miracle pour arracher onze levées.»
Sud : «Je comprends ton raisonnement mais je n’ai pas trouvé de bonne enchère alternative pour exprimer un soutien maximum à Carreau. 3♦ est insuffisant, 4♦ extrémiste. L’enchère de 3♦ sur 2♠ n’allonge pas la couleur. Tu peux n’avoir que quatre cartes à Carreau, je ne crois pas pouvoir faire un second effort.»
Le verdict
Après avoir répondu 1SA sur 1♥, il est clair que l’enchère de 2♠ sur 2♦ ne peut pas être naturelle. C’est ce qu’on appelle une "enchère impossible". L’objectif est d’exprimer un soutien maximal, dans le cadre de la réponse de 1SA bien sûr, dans une des deux couleurs de l’ouvreur. En général, l’enchère impossible montre une force, c’est parfois une enchère de rencontre mais, par manque d’espace, elle
peut être aussi complètement artificielle, comme dans cet exemple. Sud n’a aucune force particulière à nommer, l’enchère de 2♠ est la seule disponible pour montrer un soutien maximum à Carreau, fréquemment de cinq cartes mais sans précision sur la localisation des honneurs. On peut admettre l’interprétation de Nord, 2♠ montre une force à Pique, mais son jugement reste très mauvais. Se contenter de compter qu’il n’a que 12 points d’honneurs est une erreur grave, responsable de l’accident. Sa distribution 5-5 et donc la certitude d’un soutien au moins neuvième à Carreau, et la qualité de ses honneurs doivent l’inciter pour le moins à imposer la manche en sautant à 5♦, une excellente manche en face des supposés points perdus à Pique, par exemple, ♠RV5 ♥3 ♦RD763 ♣1074. Même sur une simple proposition à 3♦, comme dans l’autre salle, Nord doit faire un effort de manche, voire sauter à 5♦.
Pour en savoir plus, voici un résumé des enchères impossibles après la séquence. Elles affirment le plus souvent un soutien maximal avec cinq cartes à Carreau.
• 2♠ : sans précision.
• 3♥ : rencontre, honneur second à Cœur, cinq cartes à Carreau.
• 3♠ : force à Pique.
• 3SA : force à Trèfle.
L’enchère responsable de l’accident
3♦. Nord est seul coupable.
La bonne séquence
Le constat
Un chelem sur mesure pas si facile à déclarer. Qui aurait pu trouver l’enchère déclic ?
Les arguments
Nord : «Je vois bien que j’ai un très beau jeu mais je ne suis pas en zone de chelem, avec au mieux 26H dans le camp, surtout si nous jouons à huit atouts. La qualité moyenne de mes atouts est une source d’inquiétude. Le contrat est bon parce que tu as cinq beaux atouts et accessoirement l’As en face de mon singleton et un singleton à Pique.»
Sud : «Sur 2♥, je peux passer ou te proposer une manche en disant 3♥. Là, j’ai sauté à 4♥ pour imposer la manche, même en face d’une ouverture minimale. J’estime que
tu ne dois pas passer sur 4♥ avec 16H tout en As et un singleton. Tu dois pour le moins faire un effort à 5♣.»
Le verdict
À la lecture des arguments proposés par les deux joueurs, le coupable ne saute pas aux yeux. On sent que Nord regrette d’avoir passé sur 4♥ et que Sud pense avoir exprimé son soutien au palier le plus élevé possible.
Ce qui fait la qualité du chelem est la qualité et la longueur du soutien à l’atout de Sud et son singleton à Pique. Et c’est de nouveau une enchère impossible qui va exprimer un tel soutien maximal. La redemande à 2♥ est ambiguë, elle s’exprime dans une zone entre 12 et 18H. Le répondant maximum peut proposer une manche à Sans-Atout par l’enchère de 2SA. En aucun cas il n’a le droit de sauter à 3SA. Cette enchère va être utilisée pour montrer des soutiens exceptionnels et précis dans la deuxième couleur de l’ouvreur.
Par convention, dans cette séquence, l’enchère de 3SA exprime un soutien maximal de cinq cartes à Cœur et un singleton à Pique, tandis que 3♠ exprimerait un honneur second à Pique (As ou Roi) et 4♣(♦) serait une enchère de rencontre.
L’enchère responsable de l’accident
4♥. Sud est responsable à 80%, un Nord très inspiré peut dire 5♣ sur 4♥.
La bonne séquence
Nord pourrait presque poser le Blackwood sur 4♦.
Le constat
Un accident fracassant avec une mésentente coûteuse sur la signification de l’enchère de 4♦. Qui a tort et qui a raison ?
Les arguments
Nord : «Il n’y a aucun doute sur mon enchère de 4♦, qui est un Splinter agréant l’atout Pique. Nous disposons de deux enchères de soutien franc à Carreau, 2♦ dans une zone 6-11H et 3♦ forcing de manche. 4♦ ne peut pas être naturel, c’est une enchère impossible.»
Sud : «Nous disposons d’une large panoplie d’enchères de soutien à Pique qui couvrent toutes les zones. En face de n’importe quelle enchère positive de soutien à Pique, direct ou différé, je déclare le chelem. Le Splinter existe dans d’autres situations mais il n’y a pas de Splinter dans la couleur d’ouverture du partenaire. J’ai été surpris par ton 4♦ et j’ai passé probablement trop vite, j’aurais pu sauver le coup en répondant 5♦ sur 4♦.»
Le verdict
Deux avis diamétralement opposés, et c’est Sud qui semble avoir les arguments les plus solides. Sa remarque sur la diversité des zones de soutien à Pique après une redemande de l’ouvreur à 1♠ est très intéressante. Après 1♦-passe-1♥- passe-1♠-passe, le répondant dit 2♠ avec 6-10DH, 3♠ avec 11-12DH (non forcing), 4♠ avec 13-15DH, 2♣ suivi de 4♠ avec 16-18DH et 2♣ suivi de 3♠ avec 19DH et plus. Toutes les zones sont exprimées mais il reste pourtant de la place pour Splinter, dans la même zone que la réponse de 4♠, 13-15DH donc, avec toujours le même objectif : “chelem si miracle”.
Sur la redemande à 1♠ de l’ouvreur, 4♣ ou 4♦ du répondant est un Splinter qui exprime un singleton mineur et un soutien de quatre cartes à Pique avec un jeu de manche dont la distribution et la localisation des honneurs peuvent laisser envisager de développer douze levées en face d’un jeu qui ne mériterait pas qu’on reparle sur un saut à 4♠. Comparez la main de notre exemple avec celle-ci : ♠RV63 ♥AD74 ♦V82 ♣V2. Nord va sauter à 4♠ et, malgré ses 17H, Sud doit passer. Sur la réponse de 4♦, Sud, au contraire, va rapidement nommer le chelem.
L'enchère responsable de l'accident
Passe en Sud sur 4♦. Sud est 100% coupable.
La bonne séquence
Nord conclut à 4♠. Au vu de ses pauvres cartes, ce contrat n’est probablement pas sur table.
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Cet article a été écrit par Alain Lévy et a été initialement publié par Bridgerama+