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La paire Nord-Sud a déclaré un très mauvais contrat. Comme souvent, chacun des deux joueurs pense que son partenaire est responsable de l’accident. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Cette série est consacrée au thème : Contre punitif ou d'appel ?
Le constat
Un très mauvais coup qui doit servir de leçon à tous nos lecteurs, quelle que soit leur opinion sur son responsable. 2 Cœurs contré égal, -470 avec 4 Piques sur table, +620.
Les arguments
Nord : «J’ai exprimé précisément un jeu régulier de première zone, 12-14H, ton contre est forcément punitif, comme tous les contres qui suivent une enchère à Sans-Atout. Tu peux très bien avoir quatre cartes à Cœur et quatre cartes à Pique et notre camp va encaisser une forte pénalité, sans certitude de gagner une manche si tu as 10-11H.»
Sud : «J’ai bien pensé que ce contre pouvait être mal interprété mais, d’un autre côté, quelle enchère proposes-tu avec mes cartes, 11H et cinq cartes à Pique ?»
Le verdict
Difficile de donner tort ou raison à l’un ou l’autre des deux partenaires. Leurs arguments tiennent la route.
Nord a raison de penser que Sud peut avoir un contre punitif, Sud a raison de faire remarquer que le contre est le meilleur moyen d’exprimer une ambition de manche avec cinq cartes à Pique. Déterminer si un contre est punitif ou d’appel n’est pas toujours aisé. Dans de nombreuses situations, les experts ne sont pas toujours d’accord. Deux grands principes vont vous permettre d’y voir plus clair.
1. Dans le doute, le contre doit être interprété comme d’appel.
2. Chaque séquence de contre à bas palier doit être
Règle
Le contre de la répétition de la couleur d’intervention n’est jamais punitif.
Pour retenir une règle, il faut en comprendre la logique. Sud a très bien expliqué son problème. Comment retrouver un fit 5-3 à Pique et proposer ou même imposer la manche ? Dans un cas comme dans l’autre, le cue-bid à 3♥ ne convient pas. Oubliez une seconde qu’Est a répété sa couleur sur 1SA. Sud va utiliser le Roudi s’il a convenu de le conserver après intervention. Dans ce cas, le cue-bid à 2♥ sert à vérifier la tenue à Cœur. Après la répétition des Cœurs par Est, le contre remplace le Roudi et le cue-bid à 3♥ dénie cinq cartes à Pique et demande une tenue à Cœur, dans une main forcing de manche.
L'enchère responsable de l'accident
Le passe de Nord sur le contre. Nord est seul responsable de l'accident.
La bonne séquence
Le constat
Le même type d’accident, avec, cerise sur le gâteau, un contrat vulnérable réussi avec deux levées supplémentaires, -580, Nord ayant choisi d’entamer de son singleton à Pique (l’entame à Cœur réduit à sept levées, le Roi de Trèfle est au mort). Et de nouveau une manche qui gagne sans problème, non vulnérable cette fois, +420 (à 4 Cœurs, on perd un Pique, un Carreau et un Trèfle).
Les arguments
Nord : «Tu mélanges tout. Ce n’est pas un contre punitif avec un jeu fort et du Carreau mais un contre d’appel sur la couleur nommée par le répondant, en l’occurrence sur les Piques. Et c’est comme cela qu’il faut le jouer. Pour preuve, ce contre est le seul moyen de retrouver un fit à Cœur qui, ici, nous permet de gagner la manche.»
Sud : «Le contre est punitif, comme dans toutes les séquences du même style où la seule explication
d’un passe au premier tour suivi d’un contre sur une redemande à Sans-Atout est celle d’une distribution qui ne se prête pas au contre d’appel sur la couleur d’ouverture.»
Le verdict
L’argument de Sud est tout à fait justifié, lorsqu’il écrit qu’un contre au second tour d’enchères s’explique par une distribution qui ne permet pas de se manifester au premier tour. Mais la synthèse de cette analyse est tout à fait erronée. Le contre de l’ouverture de 1♦ est un contre d’appel pour les majeures. Tout le monde sait qu’il faut sept ou huit cartes en majeures, dans une distribution 4-3 ou 4-4, pour contrer, et qu’il faut passer quand l’une de ces deux majeures est courte, une ou deux cartes, même avec une très bonne ouverture. Nord a raison de définir ce contre comme un contre d’appel sur la couleur du répondant. La séquence sera identique après une réponse de 1♥ avec un jeu comme :
En réalité, Sud a confondu, je crois, avec la séquence :
Cette fois-ci, oui, le contre est punitif et exprime un jeu fort avec comme couleur principale les Piques, car c’est la seule explication logique. Ce n’est pas un petit contre d’appel en situation de réveil, car la séquence suggère une absence de fit huitième dans le camp Nord-Sud et donc une absence de fit dans le camp adverse. Contrer en réveil dans la séquence ci-dessus serait une erreur grave avec ♠85 ♥RV94 ♦107 ♣RD732. Nord est favori pour avoir huit ou neuf cartes entre les Carreaux et les Piques.
L'enchère responsable de l'accident
Le passe de Sud sur le contre d’appel de Nord. Sud est responsable à 100%.
La bonne séquence
Les enchères de 3♥ et 4♥ sont la marque d’un bon jugement qui s’appuie plus sur la distribution et la localisation des honneurs que sur le compte des points d’honneurs.
Le constat
Un accident de moindre importance, mais un réel manque à gagner. Nord n’a eu aucune difficulté à réaliser onze levées au contrat de 3 Sans-Atout pour une égalité, quand leur partenaire assis en Est a bien jugé de passer sur le réveil par 1SA avec ♠RD10765 ♥D4 ♦A86 ♣R3. La punition est sévère, le contrat de 2 Piques chute de quatre levées, pour une pénalité de 1100.
Les arguments
Nord : «Je crois me souvenir que ce contre est punitif, mais j’ai eu peur de mon réveil avec deux petites cartes à Pique et aucune levée de défense franche.»
Sud : «Ton réveil à 1SA est en accord avec sa définition, 9-13H réguliers avec ou sans tenue à Pique. Tu n’as pas de raison d’en avoir honte. Je crois plutôt que tu as eu un doute sur mon contre, pourtant bien répertorié dans notre carnet.»
Le verdict
Pas grand-chose à ajouter. Nord reconnaît son erreur, une erreur classique quand il s’agit d’accepter de jouer un contrat partiel contré. Tout est une question de confiance. Si le contrat de 2 Piques contré gagne, Sud en serait le seul responsable. En revanche, enlever un contre punitif crée un malaise qui peut laisser des traces dans la paire.
À éviter ! Ici, les deux joueurs partagent leur certitude sur la signification punitive de ce contre. Ils ont répertorié la séquence. Mais vous, vous pouvez vous demander pourquoi avoir choisi l’option contre punitif dans cette séquence.
La question doit se poser différemment. Quel jeu peut justifier un contre d’appel, donc a priori avec deux couleurs quatrièmes et un peu de jeu, en face d’une main régulière dont la seule couleur quatrième peut être les Piques ? Aucun. Le contre est donc punitif en toute logique.
L'enchère responsable de l'accident
L’enchère de 3♣ de Nord. Nord est seul responsable.
La bonne séquence
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Cet article a été écrit par Alain Lévy et a été initialement publié par Bridgerama+